Johannes Kepler astronome et mathématicien, a vécu aux XVIe et XVIIe siècles dans le Saint Empire romain germanique. De santé fragile dès l’enfance, il fera néanmoins des découvertes fondamentales en astronomie qui permettront ensuite à Newton de développer sa théorie de la gravitation universelle.

Optique

En observant les orbites des planètes, notamment de Mars, Kepler se rend compte que des déformations optiques venant de l’atmosphère viennent fausser les mesures.

En particulier, la réfraction atmosphérique change l’angle avec lequel les rayons lumineux nous parviennent. Ce phénomène, déjà observé à la surface de l’eau, doit être pris en compte pour obtenir des mesures précises des positions des planètes.

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La lumière provenant du poisson suit le trajet bleu. Elle est ensuite réfractée à la surface entre l’eau et l’air pour suivre le trajet rouge. Le chat, habitué à ce que la lumière aille en ligne droite, reconstruit inconsciemment le rayon en pointillés bleus qui lui fait penser que le poisson se situe plus loin que sa position réelle.

Lorsque la lumière se déplace dans un milieu comme l’air ou l’eau, elle est ralentie par les différentes molécules, ce qui fait que sa vitesse est inférieure à  c=3.10^8 m/s   (la vitesse de la lumière dans le vide).

Le rapport entre la vitesse dans le vide  c  et la vitesse dans le milieu  v  est appelé indice optique et se note : n=\dfrac{c}{v}. Par exemple, la lumière est ralentie d’un facteur 1,3 dans l’eau et 1,5 dans le verre :

MILIEU INDICE
vide 1
air 1,000 293
eau 1,3
verre 1,5
diamant 2,4

Sur le tableau, ci-dessus, on constate que l’air possède un indice très légèrement supérieur à 1. Cela entraîne l’apparition de déformations optiques infimes mais suffisantes pour fausser les calculs astronomiques précis.

Kepler donne la loi reliant l’angle  i  du rayon incident provenant de l’espace et l’angle  r  du rayon réfracté dans l’atmosphère :  i=n\times r.

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Johannes Kepler

Cette loi, vérifiée pour les petits angles, n’est toutefois pas valable de manière générale et sera améliorée par Descartes qui l’énoncera comme suit :  \sin(i)=n\times \sin(r).

Kepler publiera en 1604 l’ouvrage Astronomia pars Optica dans lequel il résumera toutes les connaissances optiques de l’époque. Il discutera notamment du fonctionnement de l’œil et postulera que, contrairement aux croyances de l’époque, l’image est captée par la rétine et non par le cristallin.

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Illustration extraite d’Astronomia pars Optica

Il fonde, avec cet ouvrage majeur, une science nouvelle qu’il nomme la dioptrique et qui prendra plus tard le nom d’optique.

Astronomie

Johannes Kepler est aujourd’hui célèbre pour la formulation de trois lois mathématiques régissant le mouvement des astres. S’appuyant sur les travaux de Copernic, il apprend la méthode scientifique sous la direction de Tycho Brahe.

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Tycho Brahe : le swag incarné

Tout au long de sa vie, Tycho Brahe s’est donné pour objectif de mesurer les trajectoires des planètes le plus précisément possible. Il cherche à valider rigoureusement chaque hypothèse théorique par l’observation. Cela ne l’empêche pas de formuler des théoriques astrologiques peu scientifiques comme la prédiction de la mort du Sultan de Turquie après une éclipse. Il subira d’ailleurs de nombreuses moqueries sur ce sujet et se fera trancher une partie du nez lors d’un duel pour défendre son honneur.

Ses mesures, d’une précision inégalée à l’époque, permettront à Kepler de formuler ses deux premières lois en étudiant notamment le mouvement rétrograde apparent de Mars.

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Le mouvement apparent de Mars sur la voute céleste comporte des boucles difficiles à expliquer dans le modèle géocentrique (où les planètes tournent autour de la Terre).

Première loi de Kepler : la loi des orbites

Kepler commence par confirmer le modèle héliocentrique de Copernic. Faire tourner les planètes autour du Soleil, plutôt qu’autour de la Terre permet de décrire leurs mouvements de manière beaucoup plus simple et symétrique.

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Pour rendre compte des trajectoires des planètes dans le ciel, le système géocentrique (à droite) utilise des épicycles, ce qui rend la description du mouvement inutilement compliquée.

Selon le modèle géocentrique, le Soleil tourne autour de la Terre et les planètes tournent autour d’un point appelé déférent qui tourne lui-même autour de la Terre ce qui permet de rendre compte de la boucle observée sur la trajectoire.

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Dans le modèle géocentrique de Ptolémée, la Terre est au centre et la planète (trajectoire en rouge) tourne sur un cercle (ici en jaune et en mouvement) autour d’un point appelé déférent qui lui-même tourne sur un cercle (en vert et fixe) autour de la Terre. source : Marcus Virtus.

Après des années de travail acharné, Kepler confirme que le modèle héliocentrique est le bon et formule des intuitions géniales qui annoncent la théorie de la gravitation de Newton. Dans son ouvrage Astronomia Nova, il énonce par exemple que : « deux corps voisins et hors de la sphère d’attraction d’un troisième corps s’attireraient en raison directe de leur masse ». Il formule également trois lois qui resteront célèbres.

La première stipule que les trajectoires suivies par les planètes autour du Soleil ne sont pas des cercles mais des ellipses.

Une ellipse se trace à partir de deux points F et F’ que l’on appelle foyers. On relie ces deux points par un fil qu’on fait tourner en le maintenant tendu. La trajectoire tracée par le point M est alors une ellipse.

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Pour mesurer l’écrasement de l’ellipse par rapport au cercle, on utilise une grandeur appelée excentricité et notée e. On la calcule (voir schéma ci-dessous) en faisant le rapport entre

  • la distance  c  entre le centre O de l’ellipse et un des foyers F
  • et le demi grand-axe  a  (distance entre le centre O et le point le plus éloigné sur la trajectoire) :

e=\dfrac{c}{a}.

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Ainsi, plus l’ellipse est écrasée, plus e prend une valeur proche de 1 alors que plus l’ellipse ressemble à un cercle, plus e se rapproche de 0. On représente parfois la trajectoire de la Terre sur une trajectoire elliptique exagérée pour insister sur le fait que l’orbite n’est pas circulaire.

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Ellipse exagérée d’excentricité proche de 0,7.

En réalité l’excentricité de la Terre n’est pas de 0,7 ou 0,8 comme représenté sur les schémas ci-dessus mais de 0,017. L’orbite est donc très proche d’une trajectoire circulaire. Ci-dessous, les valeurs des excentricités de quelques planètes.

PLANÈTE EXCENTRICITÉ
Mercure 0,206
Venus 0,007
Terre 0,017
Mars 0,093
Jupiter 0,048

Deuxième loi de Kepler : loi des aires

La deuxième loi stipule que l’aire balayée par le rayon Soleil-planète en un temps donné est la même tout le long de la trajectoire.

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On s’intéresse à l’aire balayée par le rayon qui relie le Soleil et la planète pendant une période donnée, par exemple pendant un mois. La même durée s’écoule de A à B et de C à D.

Entre les points C et D, le rayon Soleil-planète est plus court mais l’arc parcouru entre C et D est plus grand car la vitesse de la planète a augmenté par rapport aux points A et B. L’augmentation de l’arc vient compenser très exactement la diminution du rayon, de sorte que les deux aires vertes sur le schéma soient identiques.

Conséquence capitale de cette loi : la force exercée sur la planète est toujours dirigée vers le Soleil. Cela fera dire à Kepler : une chose est certaine, du Soleil émane une force qui saisit la planète.

On entrevoit déjà les prémices de la théorie de la gravitation de Newton.

Troisième loi : la loi des périodes

Enfin, penchons-nous sur la troisième loi que Kepler formule plusieurs années après les deux premières. En notant  a  le demi-grand axe de l’ellipse (voir plus haut) et  T  la période de révolution (durée au bout de laquelle la planète revient au même point), on construit une constante qui ne dépend pas de la planète (seulement de la masse du Soleil).

Cette constante s’écrit :  \dfrac{a^3}{T^2}.

Voici quelques valeurs de  a   et de   T  :

PLANÈTE a T \dfrac{a^3}{T^2}
Mercure 57 909 230 km 88 jours 3,36.10^{18}
Venus 108 209 500 km 225 jours 3,36.10^{18}
Terre 149 597 887 km 365 jours 3,36.10^{18}
Mars 227 944 000 km 687 jours 3,36.10^{18}
Jupiter 778 340 000 km 4332 jours 3,37.10^{18}

On constate que le rapport  \dfrac{a^3}{T^2}  reste le même [1] quelle que soit la planète. Cette formule permet de calculer tous les paramètres de la trajectoire à partir de seulement quelques observations.

Ces lois ont permis, d’une part, de donner une description du système solaire beaucoup plus harmonieuse et, d’autre part, de repérer les irrégularités de mouvement de certains astres causées par la présence de planètes à proximité. L’exemple le plus frappant étant la découverte de Neptune en analysant les irrégularités dans la trajectoire d’Uranus.

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[1] En toute rigueur, on a :  \dfrac{a^3}{T^2}=\dfrac{G(M+m)}{4\pi^2}  avec  G=6,67.10^{-11}  la constante de la gravitation universelle,  M  la masse du Soleil et  m  la masse de la planète.

Comme  m  est négligeable devant  M, on simplifie la formule en  \dfrac{a^3}{T^2}=\dfrac{GM}{4\pi^2}  ce qui fait bien disparaître  m  de l’équation et rend le rapport indépendant de la planète considérée. La masse de Jupiter est cependant tellement grande que l’approximation fonctionne moins bien ce qui donne une valeur légèrement plus élevée pour  \dfrac{a^3}{T^2}.