On dit souvent que la physique moderne, en particulier la mécanique quantique, abolit le principe de causalité. En effet, trouver les causes et les conséquences liant les évènements forme une approche centrale de la démarche scientifique mais cela n’empêche pas certains philosophes tels que Nietzsche et certains scientifiques de considérer que la notion de causalité est une fiction. Voyons ce qu’il en est avec ce résumé de l’ouvrage Physique de l’atome et loi de la causalité de Werner Heisenberg.

Causalité et déterminisme

La causalité dans le sens synonyme de déterminisme renvoie aux lois naturelles fixes qui déterminent l’état futur d’un système à partir de son état actuel. Dès ses débuts, la science atomique a développé des notions qui ne s’accordent pas bien avec cette image.

Démocrite
Démocrite : père de l’atomisme.

En effet, déjà sous sa forme antique, l’atomisme considérait les processus à grande échelle comme le résultat de multiples processus irréguliers à l’échelle microscopique. Les lois de la nature sont alors vues uniquement comme des lois statistiques.

Physique statistique

En physique statistique, les lois de base régissant le mouvement des objets découlent de la théorie newtonienne. L’aspect statistique ne vient que de la connaissance incomplète du système. Gibbs a d’ailleurs donné une définition de la température utilisable seulement si notre connaissance du système est incomplète. La causalité perd sa position centrale mais le principe du déterminisme n’est alors pas encore totalement remis en question.

Willard Gibbs
Willard Gibbs

Mécanique quantique

Au début du XXème siècle, Planck et Einstein ont montré qu’un atome n’émettait son énergie que de façon discontinue. Ils ont ainsi donné naissance à la théorie des quantas qui a porté le premier coup à la vision déterministe de la physique classique.

Einstein et Planck
Einstein et Planck

La théorie des quantas, après quelques années de maturation, donna naissance à la mécanique quantique. Cette théorie nouvelle et audacieuse amena une première divergence forte avec la causalité. Cette divergence formulée par Heisenberg lui-même s’exprime ainsi : il est impossible de déterminer simultanément et exactement la position et la vitesse d’une particule. La mécanique newtonienne et son hypothèse du déterminisme doivent donc être abandonnées pour ce qui est de la description des processus microscopiques.

Bohr et la complémentarité

Bohr va plus loin en détaillant diverses descriptions complémentaires d’un atome qui sont valables séparément mais incompatibles deux à deux. La connaissance incomplète des systèmes est plus que jamais au cœur de leur description. Les lois de la théorie quantique ne peuvent ainsi être que de nature statistique et le déterminisme perdu à échelle microscopique n’est retrouvé à grande échelle que grâce aux probabilités extrêmement fortes engendrées par le nombre extrêmement grand d’objets mis en jeu.

Niel Bohr
Niels Bohr

Le caractère aléatoire des processus microscopiques peut toutefois avoir des répercussions observables à grande échelle. Deux exemples permettent d’illustrer ceci :

  1. l’énergie déployée par une bombe atomique qui dépend de processus concernant quelques atomes isolés
  2.  les mutations génétiques qui peuvent prendre une orientation ou une autre suivant le résultat d’un processus microscopique précis.
mique dans le désert du Nevada
Essai atomique dans le désert du Nevada

Remise en question de la causalité

Une remise en cause essentielle du déterminisme fut formulée par la relativité restreinte. Cette théorie ébranla la vision du présent que les scientifiques adoptaient en utilisant la mécanique classique. Selon la mécanique newtonienne, le présent est un instant infiniment court situé entre le passé et le futur alors qu’en relativité restreinte, à cause de la finitude de la vitesse de la lumière, le présent est un intervalle de temps fini dont la durée dépend de la distance entre l’évènement et l’observateur.

Quelques années plus tard, la mécanique quantique porte un coup encore plus grand à la vision classique déterministe. La notion d’évènement en relativité restreinte associée à une zone ponctuelle d’interaction dans l’espace-temps apparait incompatible avec la relation d’incertitude qui demanderait la prise en compte de vitesses et d’énergies infinies. Il faut donc adopter une vision encore plus moderne en considérant des domaines infinitésimaux de l’espace-temps, cette fois-ci non ponctuels, dans lesquels la causalité n’est pas respectée.

On est bien loin de la description newtonienne calme et ordonnée : avec la mécanique quantique, les causes et les conséquences perdent leur sens, le hasard prend une place de premier choix et la description des phénomènes s’éloigne toujours un peu plus de la vision instinctive et macroscopique que l’Homme a développé au contact de la nature.

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